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À l’heure du repas les pendules s’affolent et dans l’assiette de Patrice Ferrasse défilent tout l’imaginaire et l’ennui que les repas, et ses conventions, suscitent chez l’enfant. Ne pas jouer avec la nourriture, ne pas faire de bruit en mangeant, ôter ses coudes de la table, fait pas ci, fait pas ça... on connaît tous la chanson et sa litanie fastidieuse qui accompagne les plats qui se succèdent. Comme chez Prévert, l’enfant s’évade et sa rêverie révèle fantasmes et hantises d’un retour à l’état primitif des aliments ; le cochon hurle dans l’assiette, la truite frétille de soubresauts, tandis que les légumes et les fruits s’humanisent dans un portrait archimboldien. La viande de porc et la chair des poissons retournent au vivant, pour nous rappeler que la cuisine est avant tout une histoire de meurtre dont les convives d’une table sont forcément les complices. Même les petits-pois n’y coupent pas.Depuis la morsure originelle dans une pomme bien mûre, Patrice Ferrasse connaît bien les conséquences morales du péché de gourmandise et s’en donne à cœur joie. Ses rails dans la purée débouchent sur des horizons où tout est enfin permis, le clin d’œil à Saint-Sulpice, la transgression des règles et les blagues de potage qui s’écrivent avec des alphabets en nouille. Bruits de couverts, chants grégoriens et tenue incorrecte exigée avant de passer à table, la bande son de son « Menu-Menu » accompagne d’un joyeux carillon son plaisir rabelaisien d’une bonne chair rimant avec jouissance visuelle.
Jacques PY, 9 janvier 2009.

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